Anicet le Bossu faisait métier de jouer du biniou. Sitôt qu'il y avait une noce dans le pays,
 on le voyait arriver l'instrument sous le bras et suivi de son chien Gwendal. Il jouait le temps qu'il fallait et souvent plus. 
 - A se revoir la compagnie ! Allez Gwendal, derrière ! Et le voilà parti allant d'un côté à l'autre, de gauche à droite, de droite à gauche.
 Il est vrai que la dernière bolée de cidre est souvent la bolée de trop.
 - Je ferais mieux de me coucher, oui ! et il se laissa tomber au pied d'un rocher tapissé de fougères sèches. Il n'eut guère le temps de dormir !
 Il fut vite réveillé par les aboiements plaintifs de Gwendal qui n'en finissait pas de trembler sur ses pattes.

- Vrai, il se passe quelque chose de pas normal ! et c'est alors qu'il entendit tout un remue-ménage à un mètre à peine, sous une énorme pierre. 
- Seigneur Dieu! Un repaire de korrigans ! C'est bien ma chance ! et de répéter chaque fois qu'un des lutins sortait de la terre :
- Le bonjour à toi…et à toi aussi…le bonjour à vous tous ! 
- et le bonjour à toi ! Répondit celui qui avec sa barbe en pointe et ses sourcils broussailleux avait des allures de chef.
Et à son signal, les korrigans se mirent tous à danser autour d'Anicet en chantant :
 Dilin ha dimern, Mar de achiui hou tra ho Ké ha ké ha ké Mar de achiui ou traou Ka hé ké ha ké…
 ( Lundi et Mardi si vous achevez votre travail, regrets et regrets vous aurez !) La chanson s'arrêtait là.
 Il y avait bien une suite, mais aucun korrigan n'en connaissait le premier mot ! Alors ils reprenaient sans cesse, des fois que l'idée leur en vienne.
- Tu connais la loi des korrigans ? demanda celui qui avait des allures de chef.
- Ma foi non !
- Soit tu trouves la fin de la chanson et tu deviens l'homme le plus riche du monde...
- et si je ne trouve pas ? 
- je ne sais pas encore. On te changera peut être en crapaud ! soit on te collera une deuxième bosse sur le dos ! Attends un peu...
J'ai une autre idée ! Sais-tu quel jour nous sommes ?
- ma foi non !
- Le 23 septembre... Le jour de la Saint-Kadog, le saint patron des korrigans ! La tradition veut que ce jour là nous racontions des histoires,
 des histoires de lutins bien sûr et toujours en exagérant. Alors, puisque tu es là, nous te choisissons comme juge.
 A toi de décider, entre trois de nos conteurs lequel est le plus vantard. Seulement souviens-toi de ce que je vais te dire :
 "Per gwirion n'eo ked mad da laret !" (toute vérité n'est pas bonne à dire !) 
Le premier korrigan commença ainsi : 
- Ne cherchez pas ! je suis le plus petit. Et c'est de famille ! A l'époque où mon pauvre père vivait et où un lutin était encore un lutin,
 il passait sous le poitrail d'un cheval sans avoir à se baisser ! et on l'applaudit comme il se devait. Le deuxième était déjà plié en deux par le fou rire : 
- Eh bien moi, mon père était plus petit encore ! Pensez un peu, d'une niche à un chien il s'était fait une demeure de cinq pièces !
 et on l'applaudit tout autant. Vint le troisième concurrent. 
- Quelle chance vous avez tous les deux d'avoir connu vos pères ! Le mien est mort bien avant ma naissance. 
C'est ma mère qui m'a appris qu'il s'était tué en tombant d'une échelle alors qu'il cueillait des fraises dans la région de Plougastel ! 
- alors ? Lequel des trois a le plus exagéré ? 
- Pas plus l'un que l'autre. 
- Comment, rugit le troisième korrigan-conteur, n'ai-je pas mieux menti que les autres ?
- Peut être, mais si je l'avais dit, les deux autres m'auraient assommé.
- Ca c'est sûr ! Dis donc, tu as oublié d'être bête toi !
- je me suis souvenu: "Toute vérité n'est pas bonne à dire !" 
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