L'histoire débute le jour où, le grand-père de Marie, libraire de son état, décide qu'il n'a plus la force de s'occuper de sa boutique.
Il est somme toute serein car Marie, qui va le remplacer, a développé cette même passion pour les livres, grâce à lui en partie.
Mais, une ombre efface son sourire alors qu'il observe sa petite fille qui, rayonnante de bonheur, découvre son nouveau royaume.
Il se décide enfin à lui confier ce qu'il estime être un lourd fardeau: "Mon enfant", dit-il,
"Ta joie me fait chaud au cœur, mais j'ai quelque chose de grave à te révéler."
Devant le regard soudain perplexe de Marie, il continue:
"Tu vois, cette boutique, ça a été mon morceau de bonheur à moi dans ma vie.
Mais il faut pourtant que tu saches que la nuit il s'y passe d'étranges choses.".
Il continua son récit pour en arriver à la fatale conclusion: "Je crois la boutique hantée!..."
Marie, qui aime trop son grand-père pour se moquer de lui,
lui assure du plus sérieux qu'elle peut qu'elle gardera la situation bien en main et qu'elle saura, le cas échéant,
tenir tête à une bande d'ectoplasmes férus de littérature.
Le lendemain, arrivant tôt à la boutique, Marie trouve qu'il y règne un désordre indescriptible. Elle en reste sans voix.
Marie n'est pas superstitieuse et ne croit pas aux sortilèges. Aussi, tout en remettant de l'ordre, elle décide d'en avoir le coeur net et,
la journée finie, elle s'enferme à double tour dans sa boutique. Les heures s'égrènent, au clocher voisin, désespérément monotones quand,
passés les douze coups de minuit, un léger bruit la tire brusquement de la douce somnolence dans laquelle elle avait peu à peu sombré.
Levant lentement les yeux, elle découvre, ahurie, juché sur l'encrier du comptoir, un être minuscule à la barbe immense,
râlant et pestant, le nez plongé dans un manuscrit.
Tout à coup, le petit homme jette au loin le livre et se met à sauter en tout sens, grimpant sur les rayonnages en faisant tomber quantité de livres.
Tout à son désarroi devant cette apparition insensée, la folle attitude du lutin la surprend encore davantage.
Quand aux premières lueurs de l'aube, le chant du coq se fait entendre dans le lointain,
le Korrigan se faufile dans son trou de souris et disparaît. Encore sous le coup de la surprise, elle se met machinalement le fatras de livres.
Tout au long de la journée, elle songe à l'extraordinaire aventure qu'elle vient de vivre et soudain,
comme l'après-midi touche à sa fin, une idée lui vient "....Et si? ..."
Elle ouvre un des tiroirs où elle a fourré tout le bric-à-brac de son grand-père et sort le fruit de ses recherches:
un vieux monocle, oublié là par un client distrait.
"Et si c'était simplement cela?..."se dit-elle.
Le soir venu, elle met le monocle bien en évidence sur le comptoir et se cache à nouveau. Quand minuit sonna à la vieille horloge,
notre petit bougre jaillit de son trou et grimpa sur le bureau. Curieux comme tout lutin qui se respecte, il observe le monocle,
le tourne et le retourne et regardant au travers découvre, éberlué, le grossissement des lettres d'une enveloppe posée là.
Pris soudain d'une joie folle, il bondit en tout sens.
De sa cachette Marie sourit: "C'était bien cela, à force d'avoir le nez plongé dans les livres,
le pauvre Korrigan était devenu incapable de lire quoi ce soit,
l'âge y étant sans doute pour beaucoup, ce qui le mettait dans une rage folle." De ce jour, la librairie brilla comme un sou neuf,
rangée à la perfection, les livres époussetés, les bois des bibliothèques bien cirés.
Un sourire venait souvent aux lèvres de sa libraire à l'idée des efforts que le lutin déployait pour la remercier.
Mais si elle n'en parla jamais à son grand-père, cela nul ne le sait.
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